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Léonard Interactif : un outil indispensable et ludique

Façade de la Bibliothèque Nationale d'Espagne (BNE), Photographie, Selbymay, 11 août 2012, Wikimedia Commons.
Façade de la Bibliothèque Nationale d’Espagne (BNE), photographie, 11 août 2012 © Selbymay, Wikimedia Commons.

Dans la continuité de la Bibliothèque Ambrosienne et du Codex Atlanticus (voir nos anciens articles sur cette bibliothèque et ce codex), la Bibliothèque Nationale d’Espagne ou Biblioteca Nacional de España (BNE) conserve un autre carnet de notes précieux de Léonard de Vinci : le Codex de Madrid.

Il s’agit du centre principal de documentation consacré à la culture écrite, graphique et audiovisuelle d’Espagne et d’Amérique Latine. Il comprend plus de vingt-huit millions de publications espagnoles du XVIIIe siècle à nos jours, sans compter les manuscrits, photographies, estampes, partitions etc. Ses collections ont été acquises par de nombreux moyens : achat, dépôt légal, don ou échange. Celle des manuscrits, dont fait partie le Codex de Madrid, est une des plus riches d’Espagne. Comme la plateforme Gallica pour la Bibliothèque Nationale de France (BNF), le site internet de la BNE propose un accès à leur collection numérique en ligne et possède plus particulièrement un mini-site : « le Léonard interactif ».

Ce mini-site comprend donc une version numérique du codex mais également d’autres fonctions autour du personnage de Léonard : chronologie de la vie de Léonard, descriptions des domaines que le génie a touché, des documents expliquant son contexte historique, des jeux interactifs et thématique etc. Le site de la BNE nous indique des chiffres très intéressants au sujet du mini-site :

  • 718 pages numérisées ;

  • 120 œuvres numérisées ;

  • 100 pages interactives ;

  • 138 contenus multimédias ;

  • 40 professionnels travaillant sur ce projet ;

  • 20 000 heures de travail.

Le codex Madrid (à ne pas confondre avec son homonyme aussi appelé Codex Tro-Cortesianus qui est un codex maya) est divisé en deux manuscrits : le codex-I et le codex-II. Fini respectivement entre 1490 et 1499 et 1503 et 1505, ils ont été découvert dans la Bibliothèque Nationale d’Espagne en 1966. Les différents codex de Léonard ont été hérités par son ami Francesco Melzi. Cinquante ans après, c’est le sculpteur Pompeo Leoni qui a acheté et apporté en Espagne les deux codex de Madrid. La Bibliothèque Royale, ancêtre de la BNE, les avait répertoriés depuis 1712. Ils ont été perdus et oubliés jusqu’au XXe siècle pour une raison inconnue.

Système de traction  et ressort, dessin à l'encre sur velin, 1490-1499, Codex Madrid I, Bibliothèque Nationale d'Espagne, Madrid, Espagne.
Système de traction et ressort, dessin à l’encre sur velin, 1490-1499 © Codex Madrid I, Bibliothèque Nationale d’Espagne, Madrid, Espagne.

Les deux codex touchent autant la mécanique, la statique, les mathématiques que les constructions de fortifications. Ils incluent également une liste de plus de 116 livres que Léonard a utilisés pour ses recherches. En plus d’être des notes d’une qualité et d’une source incroyables, ce codex représente environ 15% des notes de références au sujet de Léonard de Vinci.

Lorsqu’on se rend sur le mini-site « Léonard interactif », on se retrouve directement sur le codex-I de Madrid. On peut circuler facilement de page en page avec un seul clic ou en tapant le numéro de page dans la barre de navigation en bas de la fenêtre interactive. Cette barre de navigation permet d’accéder de suite au Codex-II, de proposer une navigation rapide par défilement de miniatures et présente également un outil de recherche par mots. Ainsi en tapant par exemple « arma » ou « arme », une nouvelle fenêtre s’ouvre, proposant toutes les pages comportant ce mot ou ayant un dessin en rapport (un thème donc) en affichant leurs miniatures. Cette circulation est donc extrêmement fluide et claire. Enfin, il existe un listing des thèmes pour une recherche différente et toujours plus pratique.

Autres outils utiles : une transcription des textes manuscrits en textes dactylographiés, disponibles en espagnol et italien. Il est dommage que ce ne soit pas disponible en anglais mais il est déjà notable que des transcriptions soient faites en langue locale et en langue originale. On peut également trouver un zoom en meilleure qualité, des liens de partage vers les réseaux sociaux (Facebook et Twitter) et un lien pour une impression des pages de notre choix. Enfin, il est bien connu que Léonard de Vinci prenait ses notes à l’envers, c’est-à-dire en écrivant avec la méthode du miroir. Un outil nous permet ainsi de mettre automatiquement les pages en miroir horizontal, afin de pouvoir lire naturellement les notes du génie.

Enfin, il faut cliquer sur la petite main « Saber más » (« en savoir plus ») pour accéder aux autres fonctionnalités du mini-site. En bref, on nous propose par des miniatures simples et claires, d’accéder à des rubriques spécialisées :

  • Une chronologie : cet outil est extrêmement pratique et ludique. Nous allons sans aucun doute le garder sous la main pour notre propre chronologie, que nous allons bientôt proposer sur le blog. Le site propose une carte de l’Europe et du bassin méditerranéen, contemporaine à Léonard, couronnée d’une frise chronologique des dates importantes de sa vie. En cliquant sur une date, un zoom est fait sur la carte, indiquant un évènement, sa description et une illustration. On peut également accéder directement à des évènements-clés en cliquant sur les différents points de la carte. Ces derniers sont séparés en deux couleurs : les rouges pour expliquer le contexte historique et les bleus pour l’histoire de Léonard.

Capture d'écran, Chronologie, Léonard Interactif, Bibliothèque Nationale d'Espagne (BNE).
Capture d’écran © Chronologie, Léonard Interactif, Bibliothèque Nationale d’Espagne (BNE).
  • Les métiers de Léonard : nommés tels quels, il s’agit des différentes facettes ou tous les métiers auxquels s’est prêté le polyvalent génie. On nous propose une fiche de description pour chaque, à partir d’onglets verticaux, s’ouvrant et se rabattant. Il y a huit onglets au total : scientifique & philosophe ; mathématicien ; architecte ; anatomiste ; ingénieur civil et militaire ; peintre & sculpteur ; scénographe ; musicien.

  • La bibliothèque de Léonard : la description des lectures de Léonard qui ont contribuées à son travail, accompagnée de miniatures vers des descriptions plus précises sur les principaux livres (Euclide, Ptolémée, Ovide…).

  • L’Epoque : par le même système d’onglets que les métiers de Léonard, on retrouve une description de grands domaines de la vie culturelle, sociale et scientifique contemporaines à De Vinci : cuisine ; imprimerie ; science ; art ; littérature ; musique ; philosophie ; mode vestimentaire.

  • Les codex : une description de l’importance des codex et manuscrits de Léonard ainsi que des miniatures particulières pour chaque codex et leur lieu de conservation. Nous nous attarderons sur cette partie dans un prochain article.

  • Les maquettes : la BNE propose via Youtube des vidéos de maquettes modélisées en 3D, directement tirées des croquis et notes du codex de Madrid.

  • Le jeu des questions : petit jeu interactif en ligne de type QCM, dont les questions sont portées sur toutes les facettes de Léonard, peintre comme ingénieur, et sur sa vie et ses fréquentations.

  • Le jeu de mémoire : un petit jeu classique de paires de cartes qu’il faut mémoriser et associer. Il n’a pas un très grand intérêt mais est plutôt ludique pour un public plus jeune, d’autant plus que ses faces présentent des modélisations 3D des inventions de Léonard de Vinci.

Pour conclure, le site de la BNE et plus particulièrement son mini-site « Léonard interactif » est incontournable pour des recherches scientifiques comme pour un public plus large, même jeune. Le site de la BNE est proposé dans de nombreuses langues, dont français, mais malheureusement le mini-site est en espagnol uniquement. Cependant, les images, les outils, les gadgets sont tous très clairs et intuitifs pour quelqu’un qui ne connait pas la langue. Cela devient seulement probablement handicapant si on souhaite lire les nombreuses descriptions de contexte, sur les fiches métiers, les lectures de Léonard etc. mais suffisant pour parcourir les codex de Madrid. Trésor pour la bibliothèque espagnole, il est vraiment appréciable de relever la qualité de la numérisation des pages ainsi que l’interactivité pour les parcourir, agrémentées de nombreuses notes et descriptions. Leur mini-site est d’ailleurs bien plus pratique que le site de la Bibliothèque Ambrosienne de Milan, et également plus moderne : des couleurs sobres dans le noir et blanc, une circulation fluide par les miniatures, onglets et des liens minimalistes et clairs. De plus, le rôle que joue le codex pour la BNE ne peut être nié lorsqu’on observe le nombre de fonctionnalités, non-indispensables mais pourtant extrêmement utiles, qu’ils ont rajoutées dans son environnement numérique pour mieux comprendre le personnage et ses manuscrits : chronologie et carte, contextes culturels, sociaux… Tout cela est fait par une grande équipe de professionnel et on ne peut plus fiable puisque l’on se trouve dans une très grande institution.

La présentation d’un « uomo universale »

Comme aucune autre personne, Léonard était capable de comprendre les mondes opposés de l’art et de la science. Ses innombrables recherches et études lui permirent d’acquérir de nouvelles connaissances dans les domaines les plus divers: bateau équipé d’une roue à aubes, clinomètre et hygromètre et même machine volante.

La cosmologie élaborée par Léonard est celle d’une grande machinerie. Il ambitionnait de construire «des machines permettant de déplacer des mondes entiers» afin de faciliter la tâche technique.

Tout en restant uniformes et précis, les travaux devaient être réalisables plus vite et plus facilement. Il chercha de nouvelles possibilités de transformer le mouvement rotatif en un mouvement de va-et-vient, élément essentiel de toute machine.

Dans ce but, il expérimenta des engrenages, des palans, des manivelles et des roues dentées; il se servit de l’énergie éolienne et de la force musculaire, de l’entraînement par ressort et du volant. Il inventa notamment des machines hydrauliques et des mécanismes d’horlogerie, ainsi que des ponts tournants et la presse à imprimer.

Outre un grand nombre de constructions mécaniques, les inventions les plus connues de Léonard sont l’automobile et l’engrenage, que l’on peut considérer comme l’ancêtre de la boîte de vitesses de l’automobile moderne. Avec un grand enthousiasme, Léonard étudia le vol des oiseaux et l’anatomie de l’aile de l’oiseau, et, après diverses expériences, il abandonna l’idée de l’avion à ailes oscillantes pour des constructions à ailes rigides, un appareil volant doté d’une hélice – le précurseur de l’hélicoptère moderne.

De même, son projet de parachute est en relation étroite avec ses inventions de machines volantes. Conseiller de plusieurs souverains, chefs militaires et familles de la noblesse, Léonard œuvra en tant que constructeur, architecte et géologue. Bien qu’il ait détesté la guerre et l’ait qualifiée de «folie bestiale», il se recommanda même comme ingénieur militaire.

Ailes de machine volante, dessin à la sanguine sur velin, 1478-1519, Bibliothèque Ambrosienne, Milan, Italie.
Ailes de machine volante, dessin à la sanguine sur velin, 1478-1519 © Bibliothèque Ambrosienne, Milan, Italie.

Malheureusement, Léonard ne parviendra pas à faire voler l’homme de la Renaissance, mais il inaugure une vision…